Aller au contenu

Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/227

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Comme il pensait cela, il entendit passer au-dessus de sa tête quelque chose de très-surprenant. C’était une quantité de petites voix plaintives qui semblaient appeler du secours ; ce n’était pas des cris d’oiseau, c’était des voix de petits enfants, si douces et si tristes, que le chagrin et la détresse de Clopinet en augmentèrent et qu’il cria : — Par ici, par ici, petits esprits, venez pleurer avec moi ou emmenez-moi pleurer avec vous, car au moins vous êtes tous ensemble pour vous plaindre, et moi je suis tout seul.

Les petites voix continuaient à passer, et il y en avait tant que cela passa pendant un quart d’heure sans faire attention à Clopinet, bien que peu à peu sa voix, à lui, se fût mise à l’unisson de cette douce plainte. Enfin elles devinrent plus rares, la grande troupe s’éloignait ; il ne passa plus que des voix isolées qui étaient en retard et appelaient d’un accent plein d’angoisse pour qu’on les attendît. Quand Clopinet, qui courait toujours sans pouvoir les suivre, entendit passer celle qu’il jugea devoir être la dernière, il fut désespéré, car ces compagnons invisibles de son malheur avaient adouci son chagrin, et il se retrouvait dans l’horreur de la solitude. Alors il s’écria : — Esprits de la nuit, esprits de la mer peut-être, ayez pitié, emportez-moi !

En même temps il fit en courant un grand effort, comme pour ouvrir ses ailes, et, soit que le désir qu’il en avait lui en eût fait pousser, soit que tout ceci fût un rêve de la fièvre et de la faim, il sentit qu’il quittait la terre et qu’il s’envolait dans la direc-