Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/27

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— Eh bien, voilà ce que c’est, monsieur. Je vous ai dit que le château de Pictordu se gardait tout seul : c’était une manière de dire. Il est gardé par la Dame au voile.

— Et la Dame au voile, qui est-ce ?

— Ah ! voilà ce que personne ne sait ! Les uns disent que c’est une personne vivante qui s’habille à l’ancienne mode ; d’autres que c’est l’esprit d’une princesse qui a vécu il y a bien longtemps, et qui revient ici toutes les nuits.

— Nous aurons donc le plaisir de la voir ?

— Non, monsieur, vous ne la verrez pas. C’est une dame très-polie qui souhaite qu’on entre honnêtement chez elle ; même elle invite quelquefois les passants à entrer, et s’ils n’y font pas attention, elle fait verser leurs voitures ou tomber leurs chevaux ; ou, s’ils sont à pied, elle fait rouler tant de pierres sur le chemin, qu’ils ne peuvent plus passer. Il faut qu’elle nous ait crié du haut du donjon ou de la terrasse, quelque parole d’invitation que nous n’avons pas entendue ; car, vous direz ce que vous voudrez, l’accident qui nous est arrivé n’est pas naturel, et si vous vous étiez obstiné à continuer votre chemin, il nous serait arrivé pire.

— Ah ! très-bien. Je comprends à présent pourquoi tu as trouvé impossible de nous conduire ailleurs.

— Ailleurs, et même à la ville, vous eussiez été plus mal, moins proprement ; et sauf que le souper eût pu être meilleur… je l’ai pourtant trouvé diablement bon, moi !