Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/280

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Le père Doucy gronda pourtant un peu Clopinet d’avoir disposé de lui-même contre le gré de sa famille, et il ne manqua pas d’ajouter que, s’il n’arrivait point à bien gagner sa vie, il serait une charge pour les siens. Clopinet prit la chose modestement, et, sans faire d’embarras, il présenta sa bourse à son père en lui disant : — J’espère continuer à gagner bien honnêtement ma vie sans faire de tort aux hommes ni aux bêtes. Voilà ce qui m’a été payé pour six mois de ma peine, et si cet argent-là vous fait besoin ou seulement plaisir, je vous prie de l’accepter, mon cher père. Je compte que l’an prochain je vous en apporterai davantage.

Toute la famille ouvrit de grands yeux en voyant les louis d’or de Clopinet, mais le père Doucy hocha la tête. — Où as-tu pris cet argent-là, mon garçon ? Il faut t’expliquer là-dessus, car j’ai beau être un paysan et n’avoir couru ni la mer ni les villes, je sais fort bien qu’un apprenti mousse ou tout autre chose est assez payé quand, à ton âge, il gagne sa nourriture.

Clopinet, voyant que son père le soupçonnait d’avoir fait quelque chose de mal, lui dit la vérité sur la source de sa richesse et ne le trouva pas incrédule, car on savait dans le pays que certains plumages d’oiseau étaient fort recherchés par les plumassiers. Seulement le père Doucy observa que les roupeaux ne se voyaient plus au pays d’Auge, et que sans doute Clopinet avait dû les trouver au loin, car il s’obstinait à croire qu’il avait passé l’été en grands voyages. Clopinet avait refusé aux questions de son