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Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/282

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Il ne pouvait pas s’imaginer un autre placement que les carrés d’herbe et de pommiers avec des vaches dedans ; il ne jugeait pas bon pour un enfant d’avoir une somme comme celle-là à sa disposition. Il le complimenta d’avoir eu la sagesse de l’apporter à la maison, mais il ne le crut pas pour cela incapable de faire quelque folie, si on le lui rendait. Clopinet dut céder ; c’était le cas de dire qu’on lui coupait les ailes. Il s’en alla coucher tout triste, voyant ses futurs voyages retardés ; mais il rêva que les esprits lui parlaient et lui disaient : Espère, nous ne te quitterons pas ; puisque tu as fait notre volonté, nous saurons bien t’en récompenser.

Il se résigna donc, et ne fut point insensible, il faut en convenir, à la douceur de dormir sur une bonne couchette de plumes bien chaude. Depuis une quinzaine que la fraîcheur se faisait sentir, il n’avait pas été très-bien dans sa grotte, où il ne pouvait se défendre de l’humidité qui y suintait et du vent qui s’y engouffrait. On vivait bien chez le père Doucy, on n’était ni pauvre ni avare ; on n’épargnait ni le bon pain ni le bon cidre, et la mère Doucette avait un grand talent pour faire la soupe au lard. Clopinet était l’objet de ses préférences ; elle le caressait et le choyait si tendrement qu’il ne sut point y résister et se laissa amollir par la vie de famille, au point de concevoir l’idée de passer chez lui la mauvaise saison. Il voyait toutes les bandes d’oiseaux voyageurs venir de la mer et se diriger vers l’intérieur des terres, soit pour hiverner dans les marécages, soit pour aller chercher des mers plus