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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 2.djvu/142

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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


CXCIII

À LA MÊME


Marseille, 28 avril 1839.


Il y a bien longtemps que je n’ai reçu de vos nouvelles, ma chérie ; je ne suis pas habituée à cela, et j’en suis vraiment inquiète. Auriez-vous fait comme moi ? seriez-vous malade ?

J’ai vu avant-hier madame Nourrit[1], avec ses six enfants, et le septième près de venir… Pauvre malheureuse femme ! quel retour en France ! accompagnant ce cadavre, qu’elle s’occupe elle-même de faire charger, voiturer, déballer comme un paquet ! Elle m’a semblé avoir le courage stoïque des grandes douleurs ; pas de larmes, peu de paroles, et des mots profonds. Elle est belle encore, très brune, mais terriblement fatiguée par tant de couches, tant de souffrances, et un si épouvantable malheur. Ses enfants (dont cinq filles) sont charmants, bien tenus, l’air intelligent et bon, ressemblant presque tous à leur père.

On a fait ici au pauvre mort un très maigre service funèbre, l’évêque rechignant. C’était dans la petite église de Notre-Dame-du-Mont. Je ne sais pas si les chantres

  1. Veuve du célèbre ténor de ce nom, qui venait de se suicider à Naples.