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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 2.djvu/172

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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

aujourd’hui, de l’esprit de corps ? C’est très désintéressé de ma part ; car je n’ai fait aucune étude sérieuse sur mon intelligence et je n’ai jamais été mue que par le sentiment. En outre, j’ai beaucoup plus souffert de l’absurdité et de la malice des femmes que de celles des hommes.

Mais j’ai toujours attribué cette infériorité de fait, qui existe en général, à l’infériorité qu’on veut consacrer éternellement en principe pour abuser de la faiblesse, de l’ignorance, de la vanité, en un mot de tous les travers que l’éducation nous donne. Réhabilitées à demi par la philosophie chrétienne, nous avons besoin de l’être encore davantage.

Comme nous vous comptons parmi nos saints, comme vous êtes le père de notre Église nouvelle, nous sommes toutes désolées et toutes découragées quand, au lieu de nous bénir et d’élever notre intelligence, vous nous dites un peu sèchement : « Arrière, mes bonnes filles, vous êtes toutes de vraies sottes ! »

Je réponds pour mes sœurs : « C’est la vérité, maître ; mais enseignez-nous à ne plus être sottes ! »

Le moyen n’est pas de nous dire que le mal tient à notre nature, mais qu’il résulte de la manière dont votre sexe nous a gouvernées jusqu’ici. Si nous demandons à Dieu l’intelligence, il nous la donnera peut-être, sans nous donner pour cela de la barbe, et alors vous serez bien attrapés à votre tour.

Il me faut bien du courage pour plaisanter avec vous, monsieur, lorsque mon cœur est navré des souf-