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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 2.djvu/48

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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

et que nous partions chacun d’un principe bien connu, pour nous quereller si l’envie nous en vient. Je vous dis, moi, que je ne connais et n’ai jamais connu qu’un principe : celui de l’abolition de la propriété.

Voilà en quoi j’ai toujours vénéré le saint-simonisme ; voilà en quoi j’adore certains républicains véritables (il y en a peu, soyez-en sûr). Si je ne suis ni saint-simonien, ni républicain (je me suppose homme un instant), c’est que je ne vois pas une formule digne de rallier des hommes, pas une circonstance capable de développer par des actions les bons sentiments. Le moment ne permet rien à des hommes ordinaires, comme Enfantin, vous et moi. Je dis ordinaires en fait d’intelligence ; car je n’ôte rien à la haute moralité d’Enfantin (je n’en sais rien et j’aime à y croire).

Il fallait donc attendre des chefs, un ordre de bataille, un drapeau et une armée qui voulût combattre sérieusement. Tout cela manquant, il n’y a plus autre chose à faire que de garder en soi le bon principe, pur, sans tache, sans ombre de concession à ce jésuitisme métaphysique : prétendue morale à laquelle les hommes ne croient ni les uns ni les autres.

Un jour viendra où ce bon principe aura son tour. Si nous ne sommes plus, nos enfants ou nos neveux, l’ayant reçu de nous, parleront, et feront quelque chose. Vous me parlez de deux cents exemplaires de mon portrait distribués à vos prolétaires. Vous avez donc deux cents prolétaires ? Vous m’aviez toujours dit une cinquantaine au plus. Je veux vous ques-