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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 3.djvu/170

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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

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CCCV

À M. ARMAND BARBÈS, À DOULLENS


Nohant, 21 septembre 1840.


Mon ami,

Je trouve enfin une occasion pour vous écrire. Elle se présente à moi ; car, loin de tout comme je suis, et n’osant guère me fier à la poste, je ne sais souvent à qui m’adresser pour parler à ceux que j’aime.

Mais je n’ai pas passé un jour, presque pas une heure, sans penser à vous. Toujours, vous et Mazzini, vous êtes dans ma pensée comme les martyrs héroïques de ces tristes temps. À vous deux, il n’y a pas l’ombre d’un reproche à faire. En vous deux, il n’y a pas une tache. Je crois toujours, je crois fermement que les révolutions ne se feront plus ni profondes ni durables tant qu’il n’y aura pas à leur sommet des hommes d’une vertu sans bornes et d’une profonde modestie de cœur.

Les peuples sont blasés sur les hommes de talent, d’éloquence et d’invention. On les écoute parce qu’ils amusent ; le peuple français surtout, éminemment artiste, se passionne pour eux à la légère. Mais cette passion ne va pas jusqu’au dévouement, jusqu’au sacrifice de soi-même. Le dévouement seul commande