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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

que peu de gens y croyaient en France. Les hommes à qui je le disais alors, répondaient :

— Tant pis pour nous ! nous ne pourrons pas l’y aider, et, s’il fait le bien, nous n’aurons ni le plaisir ni l’honneur d’y contribuer. N’importe ! ajoutaient-ils, que le bien se fasse, et qu’après, l’homme soit glorifié !

Ceux qui me disaient cela, prince, ceux qui sont encore prêts à le dire, il en est qu’en votre nom, on traite aujourd’hui en ennemis et en suspects.

Il en est d’autres moins résignés sans doute, moins désintéressés peut-être, il en est probablement d’aigris et d’irrités, qui, s’ils me voyaient en ce moment implorer grâce pour tous, me renieraient un peu durement. Qu’importe à vous qui, par la clémence, pouvez vous élever au-dessus de tout ! qu’importe à moi qui veux bien, par le dévouement, m’humilier à la place de tous ! Ce serait de ceux-là que vous seriez le plus vengé si vous les forciez d’accepter la vie et la liberté, au lieu de leur permettre de se proclamer martyrs de la cause.

Est-ce que ceux qui vont périr à Cayenne ou dans la traversée ne laisseront pas un nom dans l’histoire, à quelque point de vue qu’on les accepte ? Si, rappelés par vous, par un acte non de pitié mais de volonté, ils devenaient inquiétants (ces trois ou quatre mille, dit-on) pour l’élu de cinq millions, qui blâmerait alors votre logique de les vouloir réduire à l’impuissance ? Au moins, dans cette heure de répit que vous auriez