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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 3.djvu/323

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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

l’humanité, et puis la lassitude, l’isolement, l’impuissance.

Mon Dieu, les excès de notre première révolution ne nous ouvriront-ils jamais les yeux ? Les passions n’y ont-elles pas joué un rôle si violent, qu’elles y ont tué l’idée, et que Robespierre, après avoir débuté par flétrir la peine de mort, en arrive à la regarder comme une nécessité politique ? Il croyait tuer le principe de l’aristocratie en détruisant toute une caste ! Une caste nouvelle s’est formée le lendemain, et, aujourd’hui, cette caste ressuscite l’Empire, après avoir cédé la place à celle de la Restauration, que Robespierre n’avait pu empêcher de lui survivre et de procréer !

93 ! cette grande chose que nous ne sommes pas de taille à recommencer, a cependant avorté, grâce aux passions, et vous parlez de garder vos passions comme un devoir de conscience ! Cela est insensé et coupable. Croyez-vous que, le lendemain du jour où vous vous serez bien vengés, le peuple sera meilleur et plus instruit, et que vous pourrez lui faire goûter les douceurs de la fraternité ? Il sera cent fois pire qu’aujourd’hui. Restez donc dehors, vous qui n’avez que de la colère à son service.

Mieux vaut qu’il réfléchisse dans l’esclavage que d’agir dans le délire, puisque son esclavage est volontaire, et que vous ne pouvez l’en affranchir qu’en le prenant par la surprise et la violence d’un coup de main. Mieux vaut que les prétendants se dévorent entre eux, plutôt que des révolutions prétoriennes