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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 3.djvu/346

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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

j’admettais comme on doit admettre toute liberté de conscience, aboutir à une colère, à une rupture, à une accusation publique, à un anathème. On vous a répondu cruellement, brutalement, injustement, ignominieusement ? Cela prouve que cette génération est mauvaise et que les meilleurs ne valent rien ; mais, vous qui êtes parmi les meilleurs, n’êtes-vous pas coupable aussi, très coupable d’avoir soulevé ces mauvaises passions et provoqué ce débordement d’amertume et d’orgueil blessé ?

Si j’avais été à Londres ou à Bruxelles alors que votre attaque a paru, et qu’on ne m’eût pas prévenue par une réponse injurieuse qui me ferme la bouche, j’aurais répondu, moi. Sans égard pour l’exception trop flatteuse que vous faites en me nommant, j’aurais pris ouvertement contre vous le parti du socialisme. Je l’eusse fait avec douceur, avec tendresse, avec respect ; car aucun tort des grands et bons serviteurs comme vous ne doit faire oublier leurs magnanimes services. Mais je vous aurais humblement persuadé de rétracter cette erreur de votre esprit, cet égarement de votre âme ; et vous êtes si grand, que vous l’auriez fait, si j’avais réussi à vous prouver que vous vous trompiez.

Comme écrit, votre article a le mérite de l’éloquence accoutumée ; mais il est faible de raisonnement, faible contre votre habitude et par une nécessité fatale de votre âme, qui ne peut pas et ne sait pas se tromper habilement. Il faut le deviner ; car, au point