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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 4.djvu/125

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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

grandes richesses : les facultés, le loisir, la jeunesse, sans parler de l’argent nécessaire pour les recherches et les explorations, moyen matériel qui manque à tant de généreuses intelligences. Je sais que vous travaillez beaucoup et que vous apprenez toujours ; mais pourquoi n’attacheriez-vous pas votre nom à des travaux que vous feriez exécuter sous vos yeux et dont vous seriez l’âme, parce que vous auriez l’initiative de la recherche, et la pensée mère de la philosophie de la chose ? Je ne parle pas de systèmes particuliers, c’est trop se livrer à la critique dans votre situation, vous ne le pouvez pas ; mais il y a, dans toutes les sciences, des points de vue bien établis et bien constatés, que tout regard intelligent et toute main puissante peuvent élargir, au grand profit des connaissances humaines. Ce que l’on appelle vulgairement les travaux est, je crois, d’un si puissant intérêt, que l’on y oublie tous les soucis de la vie réelle.

Car, en somme, la question, pour vous qui n’avez pas le bonheur d’être frivole et vain, c’est de respirer dans l’air qui convient à de larges poumons et de vous mettre, en dépit du sort et des hommes, dans une sphère qui développe l’intelligence au lieu de l’étouffer. Il y a, je crois, trois points nécessaires à l’extension complète de la vie : c’est d’aimer au moins également quelqu’un, quelque chose, et soi-même en vue de cette chose et de cette personne. J’ai remarqué et j’ai éprouvé que, quand cet équilibre est rompu, on arrive à trop s’aimer soi-même ou à ne