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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 4.djvu/127

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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

impassible banquise ? L’aventure est racontée par Edmond d’une manière charmante. On y est avec vous ; et, à travers la gaieté de sa narration et le bon goût de sa réserve, on vous sent là et on vous voit lutter contre la matière avec beaucoup de nerf et de furia francese.

Mais, encore une fois, à qui en aviez-vous ? Vous saviez bien, monseigneur, que l’éternel hiver des régions polaires ne connaît pas les princes, et ne veut pas ranger ses bataillons flottants pour leur ouvrir le passage.

Dans ce moment-là, vous aimiez donc passionnément le but, non pas l’île de Jean-Mayen, qui ne me paraît pas devoir être un paradis terrestre, mais le fait scientifique dont vous cherchiez à vous emparer. Or, si vous avez de telles aptitudes de volonté, pourquoi faut-il qu’elles ne recoivent leur développement que dans des situations exceptionnelles, comme les grands voyages et les grands périls ? Je ne dis pas de mal des voyages et des dangers, c’est la poésie de la chose ; mais pourquoi tant d’explorations dans le monde de la science, que l’on peut faire au coin du feu, ne sont-elles pas réglées par vous de manière à vous donner, à toute heure, les émotions vives de la découverte, et les joies sérieuses de la conquête, en même temps que vous en feriez profiter tout le monde ?

Voilà, cher Altesse Impériale, ce que vous soumet votre humble amie du désert, occupée du désir de vous voir apprécié de tous comme d’elle-même, et, avant