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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 4.djvu/351

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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

mal, de nous faire le chef-d’œuvre du réveil au bien. Montrez-nous un véritable homme de cœur écrasant ces vermines, bravant ces luxures, méprisant avec une facilité logique et simple cette sotte vanité de paraître fort dans l’absurde et puissant dans l’abus de la vie ; vous venez de prouver que cette vanité est toujours souffletée par la nature qui se venge.

Ayez le courage d’incarner la preuve du triomphe. Que les méchants triomphent si vous voulez dans l’opinion. Inutile de farder le monde si bête et si corrompu ; mais que Job sur son fumier soit le plus beau et le plus heureux de tous ; si beau, que le jeune lecteur aime mieux être Job que tous les autres. Ah ! que ne puis-je ! que n’ai-je votre âge et vos forces ! que ne sais-je tout ce que vous savez !

Pourquoi le Demi-Monde qui mettait à nu Madelon et ses dupes, et ses complices, a-t-il captivé les plus récalcitrants à ce genre de peinture, et moi toute la première ? C’est parce qu’il y a auprès d’elle deux hommes qui triomphent : l’un qui la démasque et l’autre qui la répudie, sans que personne se venge.

Pourquoi l’auteur du Demi-Monde a-t-il le droit de tout dire et de tout montrer ? C’est parce qu’on sent en lui un grand instinct de lutte contre ce torrent où il aurait pu être englouti. Il ne vous est pas permis, avec cette magnifique puissance que vous avez, de ne pas faire du bien. Il faut en faire. Il faut vous venger ainsi de tout le mal qu’on vous a fait, faute de vous comprendre. C’est quelqu’un qui vous a compris qui