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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 4.djvu/369

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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

trop séduisante et pas assez nette, quand elle s’efforce de laisser un voile sur le degré, le mode de divinité qu’il faut attribuer à Jésus. Il y a des traits de lumière vive dans l’ouvrage, qui empêchent un esprit attentif de s’égarer. Mais il y a aussi trop d’efforts charmants et puérils pour endormir la clairvoyance des esprits prévenus, et pour sauver d’une main ce qu’il détruit de l’autre. Cela tient, non pas comme on l’a beaucoup dit, à un reflet de l’éducation du séminaire, dont ce mâle talent n’aurait pas su se débarrasser, — je ne crois pas cela, — mais à un engouement d’artiste pour son sujet. Il y a du danger, peut-être de l’inconvénient, à être philosophe érudit, et poète. Certainement cela fait un joli ensemble, et rare, dans une tête humaine ; mais, en de telles matières, l’enthousiasme met en péril la logique, ou tout au moins la netteté des assertions.

Avez-vous lu cinq ou six pages que M. Renan a publiées le mois dernier, dans la Revue des Deux-Mondes[1] ? J’aime mieux cela que tout ce qu’il a écrit jusqu’ici. C’est grand, grand ! Je trouve bien quelque chose à redire encore comme détail ; mais c’est si grand, que je résiste peu et que j’admire beaucoup. C’est moi qui voudrais bien avoir votre pensée là-dessus, comme vous avez la mienne. Vous savez résumer, vous, dites-la-moi dans votre concision merveilleuse.

  1. Les Sciences de la nature et les Sciences historiques, lettre à M. Berthelot (Dialogues et Fragments philosophiques ; Calmann Lévy, 1876).