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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 5.djvu/232

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DCLIV

À GUSTAVE FLAUBERT, À PARIS


Nohant, 12 octobre 1867.


J’ai envoyé ta lettre à Barbès ; elle est bonne et brave comme toi. Je sais que le digne homme en sera heureux. Mais, moi, j’ai envie de me jeter par les fenêtres : car mes enfants ne veulent pas entendre parler de me laisser repartir si tôt. Oui ; c’est bien bête d’avoir vu ton toit quatre fois sans y entrer. Mais j’ai des discrétions qui vont jusqu’à l’épouvante. L’idée de t’appeler à Rouen pour vingt minutes au passage m’est bien venue. Mais tu n’as pas, comme moi, un pied qui remue, et toujours prêt à partir. Tu vis dans ta robe de chambre, le grand ennemi de la liberté et de l’activité. Te forcer à t’habiller, à sortir, peut-être au milieu d’un chapitre attachant, et tout cela pour voir quelqu’un qui ne sait rien dire au vol et qui plus il est content, tant plus il est stupide. Je n’ai pas osé. Me voilà forcée d’ailleurs d’achever quelque chose qui traîne, et, avant la dernière façon, j’irai encore en Normandie probablement. Je voudrais aller par la Seine à Honfleur : ce sera le mois prochain, si le froid ne me rend pas malade, et je tenterai, cette fois, de t’enlever en passant. Sinon, je te verrai du moins, et puis j’irai en Provence.