Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 6.djvu/220

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ma nichée en Suisse ; ils aiment mieux aller dans le sens opposé, vers l’Océan ; va pour l’Océan ! Pourvu que l’on voyage et qu’on se baigne, je suis folle de joie. Décidément, nos deux vieilles troubadoureries sont deux antinomies. Ce qui t’ennuie m’amuse ; j’aime le mouvement, le bruit, et même les choses ennuyeuses des voyages trouvent grâce devant moi, dès qu’elles font partie des voyages. Je suis bien plus sensible à ce qui dérange le calme de la vie sédentaire qu’à ce qui est dérangement normal et obligatoire dans la vie de locomotion.

— Je suis absolument comme mes petites-filles, qui sont ivres d’avance et sans savoir pourquoi. Mais c’est curieux de voir comme les enfants, tout en aimant le changement, voudraient emporter leur milieu, leurs jouets d’habitude à travers le monde extérieur. Aurore fait les malles de ses poupées, et Gabrielle, qui préfère les bêtes, prétend emmener ses lapins, son petit chien et un petit cochon qu’elle protège en attendant qu’elle le mange. Such is life.

Je crois que, malgré ta mauvaise humeur, ce voyage te fera du bien. Il te force à reposer ton cerveau, et, s’il faut fumer moins, la belle affaire ! La santé avant tout. J’espère que ta nièce te force à remuer un peu ; elle est bonne enfant, elle doit avoir de l’autorité sur toi, ou le monde serait renversé.

Tu t’étonnes que les paroles ne soient pas des contrats ; tu es bien naïf ; en affaires, il n’y a que des écrits. Nous sommes des don Quichotte, mon vieux trou-