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Page:Sand - Cosima.djvu/12

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quelque désir de fortune ou de gloire, vous sentirez votre personnalité s’évanouir comme un rêve, à l’approche de ce combat où la vérité (le véritable enfant de vos entrailles, et non pas l’œuvre de l’artiste, mais celle de Dieu en vous) va lutter contre le préjugé ou l’ignorance. Vous vous sentirez bien fort, non pas comme artiste (qu’importe le sort de l’artiste !) mais comme homme, et c’est de cela que vous serez fier si, par malheur, vous vous trouvez ce jour-là le seul homme de l’assemblée !

Ce malheur ne m’est point arrivé. Il y a eu dans l’auditoire des esprits généreux et sincères qui, sans s’abuser sur le peu de talent de l’auteur, ont sympathisé avec la pensée de son ouvrage. C’est pour cela que je ne suis point triste d’avoir entendu des murmures et des imprécations ; j’ai entendu aussi des encouragements et des vœux au-dessus de la région où éclatent ces sortes d’orages, et je n’ai point attribué ces applaudissements à l’éloquence de mon plaidoyer, mais à la vérité de ma cause. C’est pourquoi ils m’ont été doux et me tranquillisent sur l’avenir de mes croyances. Non, tous les hommes d’aujourd’hui ne sont pas livrés à des pensées de despotisme et de cruauté. Non, la vengeance n’est pas le seul sentiment, le seul devoir de l’homme froissé dans son bonheur domestique et brisé dans les affections de son cœur. Non, la patience, le pardon et la bonté ne sont pas ridicules aux yeux de tous ; et, si la femme est encore faible, impressionnable et sujette à faillir, dans le temps où nous vivons, l’homme qui se pose auprès d’elle en protecteur, en ami et en médecin de l’âme, n’est ni lâche ni coupable : c’est là l’immoralité que j’ai voulu proclamer. L’idée n’était pas neuve ; la religion du Christ l’avait proclamée avant moi, et, si j’avais présenté le caractère d’un époux vraiment apostolique, j’aurais excité bien d’autres murmures. Je ne l’ai pas fait, parce que je ne suis pas catholique, je l’avoue. Si je l’étais, j’aurais le courage nécessaire pour le proclamer, même sur les planches d’un théâtre. Mais, si j’ai porté comme bien d’autres sur l’avenir des regards plus avides