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Page:Sand - Cosima.djvu/46

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d’une affection si courte et si funeste ! (Elle ouvre la lettre et la regarde.) Ils me disaient tous que c’était un méchant, un impie ! Il n’y a rien de semblable dans ses expressions. Qu’elles sont nobles, touchantes et respectueuses, au contraire ! et quelle ardeur dans cette passion voilée !… Ah ! si cet amour est criminel, pourquoi Alvise n’a-t-il jamais su m’exprimer le sien avec la même éloquence, et d’où vient que le langage de la flatterie est plus persuasif que celui de la vérité ? — Mon Dieu, pardonnez-moi ! ce sont là d’imprudentes pensées, mais vous avez puni avant de juger !… Tu l’as payé bien cher, ô malheureux jeune homme, ce rêve d’une félicité coupable, et tu en as porté la peine sans qu’un mot, sans qu’un regard de moi te l’ait adoucie !… Vous l’avez voulu, mon Dieu ! j’ai été sans pitié comme vous ; maintenant, si vous voulez que je sois sans regret, donnez-moi donc la force d’un ange ! (Elle cache son visage dans ses mains en sanglotant. Ordonio Éliséi se met à genoux devant elle ; elle le voit, se lève, et retombe à demi suffoquée par la joie.) Oh ! mon Dieu !…

ORDONIO.

Tes larmes auraient le pouvoir de tirer les morts du tombeau… Mais je vis, Cosima !

COSIMA, s’approchant de lui et lui touchant les mains.

Toi !…

ORDONIO, couvrant sa main de baisers.

Je vis pour t’aimer et pour te rendre, tous les jours de ma vie, le bonheur que tu me donnes en cet instant.

COSIMA, s’arrachant de ses bras et reprenant peu à peu sa réserve.

Vous vivant ! mon Dieu !… soyez béni ! Est-ce un rêve ? mon mari est innocent !…

ORDONIO.

Ah ! vous ne songez qu’à lui !

COSIMA.

Ah ! je devrais y songer, mais je ne sais plus si j’existe ou si je rêve ; c’est vous, c’est bien vous, Ordonio !

ORDONIO.

Oh ! je puis mourir à présent !…