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HISTOIRE

gage et son habillement qui, à force d’être vieux, leur paraissaient nouveaux, sa manière gentille et claire de dire les choses, et une quantité de jolies chansons, fables, contes et apologues que les sylphes lui avaient appris en jouant et en riant dans l’île des Fleurs, tout plaisait en lui. Les dames et les beaux esprits de la ville se l’arrachaient, et prisaient d’autant plus sa naïveté que leur langage était devenu prétentieux et quintessencié ; il ne tint pas à eux que Gribouille ne passât pour un prodige d’esprit, pour un savant précoce qui avait étudié les vieux auteurs, pour un poète qui allait bouleverser la république des lettres. Les ignorants n’en cherchaient pas si long : ces pauvres gens l’écoutaient sans se lasser, ne comprenant pas encore où il en voulait venir avec ses contes et ses chansons, mais se sentant devenir plus heureux ou meilleurs quand il avait parlé ou chanté.

Quand Gribouille eut passé huit jours dans cette ville, il alla dans une autre. Partout, grâce à ses fleurs et à son doux parler, il fut bien reçu, et en peu de temps il devint si célèbre, que tout le monde parlait de lui, et que les gens riches faisaient de grands voyages pour le voir. On s’étonnait de son caractère confiant, et qu’il courût au-devant de tous les dangers ; aussi, sans le connaître pour le véritable Gribouille, lui donna-t-on pour sobriquet son véritable