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DE GRIBOUILLE

de voir que vous avez un bon cœur pour faire grand cas de vous. Je vous prie, quand je ne serai plus, s’il vient à ma place quelque pauvre prisonnier, soyez aussi doux et aussi affectueux pour lui que vous l’avez été pour moi.

— Cher Gribouille, répondit en bon français un gros rat à barbe blanche, nous sommes des hommes comme toi. Tu vois en nous les derniers mortels qui, après ton départ de ce pays, il y a cent ans et plus, conservèrent l’amour du bien et le respect de la justice. L’affreux roi des bourdons, ne pouvant nous faire périr, nous jeta dans ce cachot et nous condamna à ces hideuses métamorphoses ; mais nous avons entendu les paroles de la fée et nous voyons que l’heure de notre délivrance est venue. C’est à ta mort que nous la devrons ; voilà pourquoi, au lieu de nous réjouir, nous versons des larmes. »

En ce moment, le jour parut et l’on entendit un son de cloches funèbres, et puis un vacarme épouvantable : des cris, des rires, des menaces, des chants, des injures ; et puis les trompettes, les tambours, les fifres, la fusillade, la canonnade, enfin l’enfer déchaîné.

C’était la grande bataille qui commençait.

La reine des prés, à la tête d’une innombrable armée d’oiseaux qu’elle avait amenés de son île, parut dans les airs, d’abord comme un gros nuage noir, et puis, bientôt