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IMPRESSIONS ET SOUVENIRS.

comptent autant que les peintres et les poëtes ; mais au-dessus de toute cette élite, il y a, je le répète, le genre humain qu’il ne faut pas appauvrir de nobles jouissances, surtout au lendemain de guerres atroces qui ont souillé et détruit tant de choses sacrées dans la nature et dans la civilisation. Français, nous avons tous, ou presque tous, des enfants ou des petits-enfants que nous prenons par la main pour les promener avec l’idée, à quelque classe aisée ou malaisée que nous appartenions, de les initier au sentiment de la vie qui est en nous. Nous leur faisons regarder, là où nous nous trouvons avec eux, tout ce qu’ils doivent comprendre, un navire, un convoi de chemin de fer, un marché, une église, une rivière, une montagne, une ville. Depuis la boutique de pain d’épice où le petit prolétaire voit de petites formes barbares d’hommes et d’animaux, jusqu’aux musées où le bourgeois promène son héritier en lui expliquant comme il peut ce qu’il admire ; depuis le sillon où l’enfant du paysan ramasse une fleur ou un caillou, jusqu’aux grands parcs royaux et à nos jardins publics, où riches et pauvres peuvent s’instruire en regardant ; tout est sanctuaire d’initiation pour l’enfant ou pour l’adulte privé de développement, qui veut sortir de cette enfance trop prolongée. Je sais bien qu’il y a un prolétaire sombre ou bavard, sinistre ou passionné qui ne rêve que la lutte sociale, ne re-