Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ce serait de la pitié peut-être. Tenez, vous ne pouvez pas venir chez moi ostensiblement, cela peut attirer sur vous quelque blâme. Je sais qu’on a une détestable opinion de moi dans votre famille. Je croirais que je la mérite si vous la partagiez. Mais je ne veux pas que mon bon ange souffre pour le bien qu’il veut me faire. Venez chez moi par les jardins. Il y a une petite porte de communication dans votre mur ; près de la porte une serre remplie de fleurs, où vous pouvez vous tenir sans que personne vous voie, et où vous me trouverez toujours occupée à vous aimer et à vous attendre.

Malgré tout ce qu’il y avait d’affectueux dans ces paroles, le souvenir de cette petite porte, de ce mur mitoyen et de cette serre fut un coup de poignard qui réveilla les douleurs personnelles d’Alice. Elle se rappela Jacques Laurent, tourna brusquement la tête, et le vit au fond de l’appartement où il s’était timidement réfugié, tandis qu’elle conduisait lentement Isidora vers l’issue opposée, en parlant bas avec elle. Elle promit, mais sans s’apercevoir cette fois de la joie et de la reconnaissance d’Isidora. Enfin, voyant que celle-ci sortait et se soutenait à peine, tant l’émotion l’avait brisée, elle appela Jacques avec un sentiment de grandeur et de jalousie indéfinissable.