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Page:Sand - Jean Ziska, 1867.djvu/26

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jean ziska.

toire suivie, claire et précise des manifestations progressives qui ont amené celles du dix-huitième siècle et celles d’aujourd’hui, vous ne l’y trouverez que confuse, tronquée et profondément inintelligente. Parmi les modernes[1], les uns, effrayés de la multiplicité des sectes et de l’obscurité répandue sur leurs doctrines par les arrêts mensongers de l’inquisition et l’auto-da-fé des documents, ont craint de se tromper et de s’égarer ; les autres ont tout simplement méprisé la question, soit qu’ils ne s’intéressassent point à celle qui agite notre génération, soit qu’ils n’aperçussent point ses rapports avec l’histoire des anciennes sectes. Parmi les anciens historiens, c’est bien autre chose. D’abord il y a plusieurs siècles (et ce ne sont pas les moins remplis de faits et d’idées) dont il ne reste rien que des arrêts de mort, de proscription et de flétrissure. Durant ces siècles, l’Église prononça la sentence de l’anéantissement des individus et de leur pensée : maîtres et disciples, hommes et écrits, tout passa par les flammes ; et les monuments les plus curieux, les plus importants de ces âges de discussion et d’effervescence sont perdus pour nous sans retour.

Ainsi, le rôle de l’Église, dans ces temps-là, ressemble à l’invasion des barbares. Elle a réussi à plonger dans la nuit du néant les monuments de la pensée humaine ; mais le sentiment qui enfanta ces idées condamnées et violentées ne pouvait périr dans le cœur des hommes. L’idée de l’égalité était indestructible ; les bourreaux ne pouvaient l’atteindre : elle resta profondément enracinée, et ce que

  1. Depuis quelques années, de louables et heureuses tentatives ont été faites à cet égard. M. Michelet, M. Lavallée, M. Henri Martin surtout, ont commencé à jeter un nouveau jour sur ces questions, et à les traiter avec l’attention qu’elles méritent. Je ne parle pas des beaux travaux fragmentaires de l’Encyclopédie nouvelle, et de certains autres dont les idées que j’émets ici ne sont qu’un reflet et une vulgarisation.