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Page:Sand - Jean Ziska, 1867.djvu/276

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rail, et rien qu’à te voir il sera plus heureux que moi qui ne te verrai pas.

GABRIELLE.

Tu vois bien que la jalousie est incurable par ces moyens vulgaires. Plus on lui cède, plus on l’alimente ; la volonté seule peut en guérir. Entreprends cette guérison comme on entreprend l’étude de la philosophie. Tâche de moraliser ta passion.

ASTOLPHE.

Mais où donc as-tu pris la force de moraliser la tienne et de la soumettre à ta volonté ? Tu n’es pas jalouse de moi ; tu ne m’aimes donc que par un effort de ta raison ou de ta vertu ?

GABRIELLE.

Juste ciel ! où en serions-nous si je te rendais les maux que tu me causes ! Pauvre Astolphe ! j’ai préservé mon âme de cette tentation, je l’ai quelquefois ressentie, tu le sais ! mais ton exemple m’avait fait faire de sérieuses réflexions, et je m’étais juré de ne pas t’imiter. Mais qu’as-tu ? comme tu pâlis !

ASTOLPHE, regardant par la fenêtre.

Tiens, Gabrielle ! qui est-ce qui entre dans la cour ? Vois !

GABRIELLE, avec indifférence.

J’entends le galop d’un cheval. (Elle regarde dans la cour.) Antonio, il me semble ! Oui, c’est lui. On dirait qu’il a entendu l’éloge que tu faisais de lui, et il arrive avec l’à-propos qui le caractérise.

ASTOLPHE, agité.

Tu plaisantes avec beaucoup d’aisance… Mais que vient-il faire ici ? Et comment a-t-il découvert notre retraite ?

GABRIELLE.

Le sais-je plus que toi ?