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Page:Sand - Jean Ziska, 1867.djvu/37

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jean ziska.

sens sans se faire prier. D’abord, comme nous l’avons déjà dit plus haut, la haine du joug étranger, puis celle du clergé qui la pressurait et la rongeait affreusement. Dans le peuple fermentait depuis longtemps un levain de vengeance contre les richesses des couvents ; les récits qu’on a faits de ces richesses ressemblent à des contes de fées. La doctrine des Vaudois avait depuis longtemps pénétré dans les montagnes de la Moravie. On dit même que lors de la persécution que leur fit subir Charles V, à l’instigation du pape Grégoire XI, Pierre Valdo en personne était venu finir ses jours en Bohême. Les lolhards de Bohême dont le nom ressemble bien à celui des lollards d’Angleterre, étaient originaires d’Autriche. Un de leurs chefs, brûlé à Vienne en 1322, avait déclaré qu’ils étaient plus de huit mille en Bohême. Les historiens constatent aussi des irruptions de béguins ou beggards, d’adamites, de turlupins, de flagellants et de millénaires dans les pays slaves et en Bohême surtout à différentes époques. Prague avait eu déjà d’illustres docteurs qui avaient prêché que la fin du monde ancien était proche, que l’Antéchrist était apparu sur la terre, et qu’il siégeait sur le trône pontifical. Jean de Miliez[1], un des plus célèbres, avait été mandé à Rome pour se disculper, et on dit qu’il avait écrit ces propres paroles sur la porte de plusieurs cardinaux. On cite aussi Mathias de Janaw, dit le Parisien parce qu’il avait étudié à Paris, « illustre

  1. Milicius, suivant la coutume des historiens de cette époque de latiniser tous les noms. Il ne paraît pas que tous ces docteurs hérétiques sortis des rangs du peuple aient tenu à leurs noms de famille, mais beaucoup à leur nom de baptême et à celui de leur village. Jean Huss prit le sien de Hussinetz, où il était né. Je prierai mes lectrices de faire attention, en lisant l’histoire de ces siècles, à la prodigieuse quantité de théologiens célèbres dans l’Église ou dans l’hérésie qui portent le prénom de Jean. À l’époque de la prédication du joannisme et de la dévotion à l’évangile de saint Jean, ce n’est pas un fait indifférent.