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Page:Sand - Jean de la Roche (Calmann-Levy SD).djvu/317

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causé longtemps avec expansion, Love me dit à demi-voix :

— Décidément, mon ami, je vous aime mieux quand vous parlez en bon français, sans accent, et quand, n’ayant plus l’obligation de faire le paysan montagnard, vous montrez votre cœur et votre esprit tels qu’ils sont. Je ne dirai pas que je vous retrouve, mais qu’en ce moment je vous découvre ; car il y a une chose que vous ne savez pas, monsieur Jean ! c’est que vous n’êtes plus l’homme d’autrefois. Vous avez tellement gagné de toutes façons, que, si vous fussiez venu me trouver au mont Dore tel que vous voici, je ne vous aurais pas fait souffrir pendant huit jours les déplaisirs de l’incertitude.

J’étais bien heureux et bien attendri, et pourtant j’eus encore une crise pénible en retournant à la Roche. J’éprouvai une sorte d’effroi au moment de réaliser le rêve de ma vie, comme si j’eusse craint de trouver le rêve au-dessous de mes longues ambitions, ou de me trouver moi-même indigne du bonheur rêvé. Je me demandais si la supériorité de ma femme ne viendrait pas à m’humilier, et si cette amère jalousie, dont je sentais en moi l’instinct fatal, ne se tournerait pas contre son propre mérite à l’état d’envie misérable et d’orgueil froissé.

Quand je rentrai dans mon triste manoir, Cathe-