Page:Sand - Journal d’un voyageur pendant la guerre.djvu/82

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cien maçon, élevé comme tous les ouvriers, mais doué d’une remarquable intelligence. Doux, grave et ferme, exempt de toute mauvaise passion, il fut élu en 1848 à la Constituante par ses compatriotes de la Creuse. En Berry, comme partout, ce que l’on dédaigne le plus, c’est le voisin. Aussi a-t-on fort mauvaise opinion chez nous du Marchois. On l’accuse d’être avide et trompeur ; mais on reconnaît que, quand il est bon et sincère, il ne l’est pas à demi. Nadaud est un bon dans toute la force du mot. Exilé en 1852, il passa en Angleterre, où il essaya de reprendre la truelle ; mais les maçons anglais lui firent mauvais accueil et lui surent méchant gré de proscrire de ses habitudes l’ivresse et le pugilat. Ils se méfièrent de cet homme sobre, recueilli dans un silence modeste, dont ils ne comprenaient d’ailleurs pas la langue. Ils comprenaient encore moins le rôle qu’il avait joué en France ; ils lui eussent volontiers cherché querelle. Il se retira dans une petite chambre pour apprendre l’anglais tout seul. Il l’apprit si bien qu’en peu