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Page:Sand - La Daniella 1.djvu/103

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du Transtévère, ou une de ces élégantes filles d’Albano, que vous connaissez en peinture, avec leur costume pittoresque, leur taille de reine, leur majesté sculpturale. Rien de tout cela n’a encore frappé mes regards. La Daniella est une Frascatine pur sang, à ce que m’assurent Brumières et Tartaglia, c’est-à-dire une jolie femme selon nos idées françaises, bien plus qu’une belle femme selon le goût italien. Elle est très-brune, un peu pâle ; elle a des yeux, des dents et des cheveux magnifiques ; le nez est passable, la bouche un peu grande, le menton un peu court et avancé ; les plans du visage sont plus fermes que gracieux ; le regard est passionné, peut-être hardi. Est-ce franchise ou impudeur ? Je ne sais. La taille est charmante, fluette sans maigreur et souple sans débilité. Les pieds et les mains sont petits, qualité rare en Italie, à ce que j’ai pu remarquer jusqu’ici. Elle est vive, adroite, et m’a paru danser avec grâce. Quoique civilisée par un voyage en France et en Angleterre (elle est depuis deux ans au service de lady Harriet), elle a conservé je ne sais quoi de hautain dans le sourire et de sauvage dans le geste qui sent la villageoise méfiante, à idées étroites et obstinées. Je ne l’avais guère regardée en voyage : elle avait un châle et un chapeau qui l’enlaidissaient beaucoup, et qu’elle portait assez mal ; mais, depuis ce matin, elle a repris son costume local, qui n’est pas des plus beaux, mais qui lui sied : une robe brune à manches demi-courtes, un tablier dont la pièce de corsage baleiné lui sert de corset, et un mouchoir de mousseline blanche sur le chignon, noué très-lâche sous le menton.

Telle est la personne dont je suis censé amoureux, car il faut vous raconter la suite de l’intrigue.

À peine la Frascatine (car, en dépit de Tartaglia, je crois que c’est ainsi qu’il faut dire) était-elle sortie, emportant les restes de mon déjeuner, que Tartaglia, se posant devant