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Page:Sand - La Daniella 1.djvu/120

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— Qu’est-ce que Votre Seigneurie appelle vilaines aventures ? reprit vivement la Daniella. Qu’y aurait-il de vilain à être aimée de ce jeune garçon ? Il n’est ni riche ni noble, et il me conviendrait beaucoup mieux qu’à Votre Seigneurie.

Là-dessus, miss Medora fit une morale à sa femme de chambre, essayant de lui prouver qu’un homme de ma condition, bien élevé comme je le paraissais, ne pouvait prendre l’amour au sérieux avec une grisette, avec une artigiana de Frascati ; qu’elle serait trompée, abandonnée, et que, pour un moment de vanité satisfaite, elle aurait à pleurer tout le reste de ses jours.

La Daniella ne me semble pas fille à tant se désespérer, le cas échéant, car elle continua sur un ton très-décidé :

— Laissez-moi penser de tout cela ce que je veux, signora, et renvoyez-moi si je me conduis mal. Le reste ne vous regarde pas, et les sentiments de ce jeune homme pour moi ne peuvent que vous divertir, puisqu’il vous déplaît encore plus que vous ne lui déplaisez.

La discussion alla quelque moment ainsi ; mais, d’aigre-douce, elle devint tout à coup violente. Miss Medora se plaignait d’être mal coiffée (il paraît qu’on la coiffait pendant ce colloque) ; et, comme la Daniella assurait avoir fait de son mieux et aussi bien qu’à l’ordinaire, l’autre s’emporta, lui dit qu’elle le faisait exprès, et, s’étant apparemment décoiffée, elle donna l’ordre de recommencer. Il y eut des larmes de la Daniella ; car, après un moment de silence, l’Anglaise reprit :

— Allons, sotte, pourquoi pleures-tu ?

— Vous ne m’aimez plus, dit l’autre. Non ! depuis que ce jeune homme est ici, vous n’êtes plus la même : vous avez du dépit, et je vous dis, moi, que vous l’aimez.

— Si je ne vous savais folle, répondit l’Anglaise irritée,