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Page:Sand - La Daniella 1.djvu/134

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tout, de la base au faîte de ces chambres-édifices, est d’un goût insupportable. Tantôt cela veut imiter les arabesques de Raphaël et n’imite absolument rien ; tantôt d’atroces bonshommes nus, soi-disant divinités mythologiques, se tordent au plafond dans des poses terribles qui imitent grotesquement les Michel Ange. Les portes sont à fond d’or, rehaussées du chapeau et des cordelières du cardinalat, emblèmes qui vous poursuivent dans toutes ces demeures seigneuriales, puisqu’il n’est pas d’ancienne famille qui n’ait eu quelques-uns de ses membres pourvus des hautes dignités de l’Église.

Tout cela est sale, crevassé, moisi, terni d’une croûte de piqûres de mouches. De lourdes consoles dorées, à dessus de riches et laides mosaïques, et menaçantes de vétusté garnissent les coins. Les glaces, de quinze pieds de haut, sont dépolies par l’humidité, et raccommodées, dans leurs brisures, avec des guirlandes de papier bleu. Le pavé de petites briques s’égrène sous les pieds. Les lits de fer, sans rideaux, disparaissent dans l’immensité. Le reste du mobilier est à l’avenant de cette misérable opulence. Une pauvre cheminée pour tout un appartement de cinq pièces énormes, est à peu près inutile : on ne trouve de bois à acheter à aucun prix à Frascati, bien que ses collines soient couvertes d’une magnifique végétation ; mais tout cela appartient à trois ou quatre familles qui, à bon droit, respectent leurs antiques ombrages, et n’ont rien de superflu à vendre de leur bois mort. Le pauvre monde et les étrangers qui s’imaginent, comme moi, qu’il faut aller chercher un hiver doux et un printemps chaud en Italie, se dégèlent le bout des doigts à la flamme rapide de quelques tiges de bambous pourris qui ne peuvent plus servir d’échalas aux vignes, et qu’on daigne leur vendre aussi cher que, chez nous, des bûches de Noël.