Page:Sand - La Daniella 1.djvu/136

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ractère un fonds de bonté réelle, commença à me dorloter comme si elle m’eût connu toute sa vie. Elle s’inquiéta de ma pâleur et se mit en quatre pour réchauffer ma chambre, défaire ma malle et préparer mon dîner. Elle apporta chez moi le meilleur fauteuil et les meilleurs matelas de la maison, fouilla l’appartement de ses maîtres pour me trouver des livres, une lampe, un tapis propre ; bouleversa le grenier pour me choisir un paravent, et courut au jardin pour me procurer quelques poignées de bois mort. Enfin, elle fixa le prix de ma consommation et celui de son service avec une discrétion remarquable.

Cela m’a mis fort à l’aise avec elle, non que je sois d’humeur à regimber contre le système d’exploitation auquel tout voyageur doit se soumettre en Italie pour avoir la paix, mais parce qu’on se sent vraiment soulagé, dès que l’on peut voir dans un être de son espèce, quoiqu’il soit, un égal sous le niveau de la probité.

Me voilà donc dans un appartement situé au troisième ; un troisième qui, en raison de la hauteur des étages inférieurs serait un sixième à Paris. De là, j’ai la plus admirable vue qui se puisse imaginer. Je devrais dire les deux plus admirables vues, car les deux pièces que j’occupe, faisant l’angle de la maison, j’ai, d’un côté la chaîne des montagnes depuis le Gennaro jusqu’au Sokafe, la campagne de Rome et Rome tout entière, visible à l’œil nu, malgré les treize milles de plaines qui m’en séparent à vol d’oiseau ; de mon autre fenêtre, c’est plus beau encore : au delà de la plaine immense, je vois la mer, les rivages d’Ostie, la forêt de Laurentum, l’embouchure du Tibre, et, au-dessus de tout cela, montant comme des spectres dans le ciel, les pâles silhouettes de la Sardaigne. C’est immense, comme vous voyez, et un rayon de soleil m’a fait paraître tout cela sublime. Je peux donc être ici languissant de santé, paresseux ou enfermé