Page:Sand - La Daniella 1.djvu/139

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B*** avait décrété, le 26 du mois dernier, qu’elle irait à Tivoli et que je serais de la partie. On n’invita pas Brumières, quoiqu’il eût pu y avoir place pour lui dans la calèche. J’offrais de me mettre sur le siège avec le cocher ; mais ma proposition fut comme éludée, et, croyant m’apercevoir d’une certaine opposition, surtout de la part de lady B***, je n’osai pas insister, et je m’abstins de prévenir Brumières de la possibilité de son admission.

La route m’ennuya beaucoup jusqu’à la solfatare, où l’intérêt géologique commence. Il faisait tour à tour trop chaud, et trop froid ; lady Harriet et sa nièce ne cessaient de vouloir forcer lord B***, et moi, par contre-coup, à nous extasier sur la poésie, sur la beauté de la plaine, et, par toutes les raisons que je vous en ai données, je trouvais cette interminable solitude sans caractère, insupportable à traverser. Nous allions pourtant aussi vite que possible, lord B*** ayant fait l’acquisition de quatre magnifiques chevaux du pays. C’est une race précieuse. Ils ne sont pas très-grands, mais assez doublés sans être lourds ; ils trottent vite ; ils ont de l’ardeur et de la solidité. Leur robe est d’un beau noir, leur poil très-fin et brillant. La tête est un peu commune, le pied un peu vache, mais les formes sont belles quant au reste. Ils ont le caractère hargneux, et il ne se passe pas d’heure où l’on ne voie, à Rome ou autour de Rome, des querelles sérieuses entre hommes et bêtes. Cavaliers et cochers sont intrépides, mais généralement équitent ou conduisent avec plus de hardiesse, de violence et d’obstination que de véritable adresse et de raisonnement. Pourtant, les accidents sont rares, les chevaux ne manquent jamais par les jambes et descendent à fond de train, sur les dalles, les pentes les plus rapides des collines de la métropole.

Je remarquai, avec lord B***, qui essayait cet attelage avec attention pour la première fois, que le type de ces animaux