Page:Sand - La Daniella 1.djvu/141

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abandonnées aux influences naturelles, et totalement privées de soins jusqu’à leur maturité.

Les animaux, abandonnés avec presque autant d’incurie que les végétaux, se ressentent aussi du mauvais air. Dès que l’on s’élève au-dessus de ces régions funestes, les races grandissent et embellissent comme les plantes.

Les plus jolis animaux que l’on voie ici sont les chèvres. Un vaste troupeau de race cachemirienne était littéralement couché et endormi comme un seul être sur le bord du chemin, et, au milieu de ce troupeau, dormait aussi un enfant vêtu de la peau d’une de ses chèvres et couché, pêle-mêle avec les petits chevreaux. Au bruit de la voiture tout s’éveilla en sursaut, tout bondit à la fois sous le coup d’une terreur indicible. Ce fut comme un nuage de soie blanche qui s’envolait en rasant le sol, les cabris se livrant à des cabrioles échevelées, les mères faisant flotter leurs franges éclatantes à la brise, le petit berger, propre et blanc aussi, parce qu’il n’avait d’autre vêtement que sa toison neuve, courant éperdu, tombant et se relevant pour fuir avec ses bêtes effarouchées.

On arrêta la calèche pour jouir de cette scène. Je descendis et parvins à rassurer le petit sauvage, qui consentit à me laisser prendre un de ses chevreaux pour le montrer de près à miss Medora.

C’est ici, mon ami, que commence l’étrange aventure. La belle Medora prit le petit animât sur ses genoux, le caressa, lui fit manger du pain, le dorlota jusqu’à ce que lord B***, impatienté, lui eût rappelé que le temps s’écoulait et que nous n’avions pas trop de la journée pour voir Tivoli à la hâte et revenir à Rome. Puis, lorsqu’elle me rendit le chevreau, après avoir attaché sur moi un regard tout à fait inexplicable, elle se rejeta dans le fond de la voiture et couvrit son visage de son mouchoir.