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Page:Sand - La Daniella 1.djvu/209

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pliqué les embarras de ce court voyage sur la terre, où nous nous installons comme si nous étions sûrs d’y voir lever le soleil qui se couche.

Mais la malpropreté et le dénûment vont ensemble presque partout, et l’homme semble fait de manière à ne pas trouver de milieu entre le nécessaire et le superflu. Au fait, n’en est-il pas ainsi dans toutes les manifestations de sa vie intellectuelle, morale et sociale ?

Je n’ai pas revu la Daniella ce soir. Toujours partagé entre la crainte de me livrer à elle plus ou moins qu’elle ne le mérite, j’ai eu sur moi assez d’empire pour ne pas m’informer d’elle. Mariuccia n’est pas venue, comme les autres jours, au devant de mon expansion, et je suis rentré chez moi sans apercevoir d’autre visage que le sien et sans échanger une parole avec elle. Pourtant, voilà sur ma table deux vases de fleurs qui n’y étaient pas ce matin. Ce sont de grands iris d’un blanc de lait, bien plus beaux que des lis, et d’un parfum plus fin. Je me suis hasardé, tout à l’heure, à demander à la Mariuccia, au moment où elle m’apportait ma petite lampe, si ces fleurs venaient du jardin de Piccolomini. Je savais bien que non ; mais j’espérais qu’elle me dirait d’où elles venaient. Elle a fait d’abord semblant de ne pas m’entendre ; puis elle m’a dit d’un air terriblement narquois :

— C’est mon frère le capucin qui vous envoie cela.

Je n’ai pas osé faire semblant d’en douter ; seulement, quand ; elle est sortie, je lui ai crié en riant :

— Vous l’embrasserez pour moi.

— Qui ? a-t-elle répondu.

Et, voyant que je lui montrais les fleurs :

Cristo ! s’est-elle écriée avec sa mimique expressive : embrasser pour vous le capucin ?

Faut-il conclure vis-à-vis de moi-même ? Faut-il prononcer, avant de m’endormir, ce mot joyeux ou terrible :