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Page:Sand - La Daniella 1.djvu/25

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table de cent francs par mois. Mais je me suis bien aperçu, depuis que je vis à Paris, que, par le temps qui court, il est impossible de mener avec cela la vie de loisir et de liberté. Il faudrait le double et beaucoup d’ordre. La question est d’acquérir l’un et de me procurer l’autre, non pas pour mener cette vie de fils de famille que je ne convoite pas, mais pour payer le matériel de mon apprentissage, qui est dispendieux, je le sais.

— Que feras-tu donc, je ne dis pas pour avoir une rigoureuse économie, cela dépend de toi, mais pour gagner cent francs par mois, en sus de ta rente, sans renoncer à la peinture, qui, pendant trois ou quatre ans au moins, ne te rapportera rien et te coûtera beaucoup ?

— Je ne sais pas, je chercherai ! Si j’ai besoin de votre conseil et de votre recommandation, je viendrai vous les demander.

Deux mois après, Jean Valreg était violon dans l’orchestre d’un petit théâtre lyrique. Il était bon musicien et jouait assez bien pour faire convenablement sa partie. Il ne s’était jamais vanté de ce talent, que nous ne lui supposions pas.

— J’ai pris ce parti sans consulter personne, me dit-il ; on eût essayé de m’en détourner ; et vous-même…

— Je t’eusse dit ce qui doit être vrai : c’est qu’avec les répétitions du matin et les représentations du soir, il ne te reste guère de temps pour étudier la peinture. Mais peut-être as-tu renoncé à la peinture ? peut-être préfères-tu maintenant la musique ?

— Non, dit-il, je préfère toujours la peinture.

— Mais où diable avais-tu appris la musique ?

— Cela s’apprend tout seul, avec de la patience ! J’en ai beaucoup !

— Pourquoi ne pas te perfectionner dans cet art-là, puisque tu as un si bon commencement ?