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Page:Sand - La Daniella 1.djvu/273

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peuple condamné, de par le sbire et le geôlier, à une austérité toujours abrutissante quand elle n’est pas volontaire, reprendre, avec tant d’énergie et de naïveté, sa gaieté d’oiseau, ses gambades et ses cris d’enfant en récréation.

Quand je fus dans le palais, je reconnus que j’aurais eu beau sonner. Il était complètement désert, et je sentis quelque dépit de voir que ma résolution désespérée d’arriver là à l’heure dite n’aboutissait qu’à une déception. J’attendis en vain un quart d’heure ; puis, l’impatience et l’humeur me gagnant, je pris le parti de ressortir pour aller voir la physionomie de Frascati en fête, et probablement la Daniella en danse, oubliant le rendez-vous qu’elle m’avait donné ; mais je fis en vain le tour de la ville et du faubourg, jetant un regard furtif sur toutes les guinguettes ; je n’aperçus que la Mariuccia, qui prenait grand plaisir à voir sauter les jeunes filles, et qui ne fit pas la moindre attention à moi.

Je rentrai, en proie à une véritable colère, une mauvaise et honteuse colère, en vérité, et je trouvai la Daniella, dans ma chambre, à genoux contre un fauteuil et disant sa prière, qu’elle n’interrompit nullement en me voyant entrer ; ce qui me donna le temps de me repentir, de me calmer, et enfin de m’émerveiller du sang-froid héroïque avec lequel cette étrange fille, murmurant un reste de patenôtres et se signant dévotement, alla retirer la clef de ma porte et pousser le verrou.

Alors seulement elle me regarda, et pâlit tout à coup.

— Qu’est-ce que vous avez ? me dit-elle. Vous m’examinez d’un air moqueur et froid !

— Et vous qui ne me regardez pas du tout depuis cinq minutes que je suis là, vous que j’attends et que je cherche depuis une grande heure…

— Ah ! c’est là ce qui vous a fâché ? Vous croyez donc