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Page:Sand - La Daniella 1.djvu/300

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le ciel ne nous est pas si contraire, puisqu’il fait de ma fantaisie une sorte de nécessité.

— Une nécessité très-réelle ! Mais voyons ! il y a de la poussière ici… je sais où trouver un balai. Promène-toi sur la terrasse ; personne ne peut te voir d’en bas si tu ne penches ; pas la tête en dehors des balustrades. J’irai laver et remplir ces cruches dans la belle eau de la fontaine qui est au bout du parterre. Quant à la paille, tu viendras tout à l’heure la chercher avec moi dans un cellier où je sais que le fermier met le trop-plein de ses greniers.

Tout cela était très-bien combiné, sauf l’article du balayage et des cruches portées à la fontaine, et il me fallut entrer en révolte pour que ma maîtresse renonçât à être ma servante. Elle l’avait été à Rome, à Piccolomini dans les premiers jours, et c’était son plaisir, disait-elle, de l’être toute sa vie ; mais voilà ce qu’il m’est impossible d’admettre. La jeune fille chaste qui s’est donnée à moi doit me commander et non m’obéir. Je comprends de reste, aujourd’hui, que l’on aime et que l’on épouse sa ménagère, mais à la condition que, si elle est digne de cette union, on la traitera désormais comme son égale.

— Ah ! je le vois bien, dit-elle en me laissant arracher le balai de ses jolies petites mains brunes et rondelettes, tu ne me traites pas comme ta femme !

— Je te demande pardon ! Ma femme fera le ménage quand je travaillerai dehors pour la famille ; mais, quand j’aurai, comme aujourd’hui, les bras croisés, elle ne fera que ce que je ne saurai pas faire pour l’empêcher de se fatiguer.

— Mais justement, tu ne sais pas balayer ! tu balayes très-mal.

— J’apprendrai ! Sors d’ici, car je ne veux pas que tes beaux cheveux récoltent ces nuages de poussière.