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Page:Sand - La Daniella 1.djvu/96

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mal avec l’Italie dans mon for intérieur, de m’être trouvé forcé, dès mon premier pas sur cette terre sacrée, de la priver d’un de ses habitants. Cela me convient si peu, à moi, paisible et patient amoureux des fleurs des champs et des petits ruisseaux, de me frayer passage, comme un paladin, à travers des embuscades de mélodrame !

J’en suis tout triste, tout honteux, tout irrité. J’en veux à cette race de postillons insolents, de conducteurs filous, de mendiants obscènes, qui m’avaient rendu méchant, et qui sont peut-être cause que j’ai trop réellement cassé la tête du premier bandit offert à ma vengeance. Faisait-il le mort ? l’a-t-on emporté ? s’est-il sauvé lui-même ? Cela me fait penser que j’ai promis hier à lord B*** de ne pas sortir pour mon compte avant d’avoir été avec lui faire ma déposition. Si j’en croyais Tartaglia, nous nous tiendrions tranquilles. Il assure que cela ne servira de rien ; qu’on va nous ennuyer pendant six mois en nous confrontant avec tous les bélîtres arrêtés pour d’autres méfaits ; enfin, que nos poursuites vont nous exposer à de pires aventures dès que nous quitterons Rome, et même dans Rome, peut-être. Il a l’air assez sûr de son fait. Peut-être aussi fait-il partie de quelque respectable société en commandite pour le détroussement des voyageurs. Je ferai ce que lord B*** jugera convenable.

Puisque je vous transmets l’opinion de Tartaglia, il faut que je vous dise de quelle merveilleuse apparition il a charmé l’instant de mon réveil.

— Il est huit heures, Excellence. C’est moi que vous avez chargé de vous faire lever.

— Tu en as menti. Je n’ai pas besoin et je ne veux pas de domestique.

— Moi, domestique, mossiou ? Vous n’y songez pas ! Un Romain domestique ! Cela ne s’est jamais vu et ne se verra jamais.