Page:Sand - La Filleule.djvu/116

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rées libres pour tes chères études incidentes, et ailleurs nous te trouverons mieux avec le temps. Seulement, plus de projets de promenades dans la forêt de Fontainebleau, du côté de certaine résidence ; plus de soirées d’hiver dans un petit salon doré, où l’on voit deux bien charmantes femmes, mais où l’on dépense plus que l’on acquiert ; plus d’interminables improvisations la nuit, plus d’amour absorbant et de dithyrambes au clair de la lune.

J’étais résigné à tout, sauf à ne point aimer, puisque c’était dans cet amour que je puisais mon courage. Au bout de trois jours, j’étais installé au cabinet d’histoire naturelle, dans un petit laboratoire où j’empaillais des oiseaux. J’avais souvent fait cette besogne à la campagne pour mon plaisir, et j’y étais fort adroit.

Mon apprentissage fut donc un morceau de réception qui me valut de grands éloges : on me trouva propre à plusieurs autres soins, et, au bout de trois mois, sans aucune réclamation de ma part, mes appointements furent portés à deux mille francs.

J’étais riche ! j’avais des habits et des chemises que personne ne m’avait donnés ; je n’avais pas été forcé de rendre le petit piano de ma mère, auquel je tenais comme Schwartz tenait à son violon. Il me restait, grâce à l’attention et à la prestesse avec lesquelles j’expédiais ma besogne, six heures par jour pour travailler à ma fantaisie (de six heures à minuit). J’en dormais six. J’en consacrais dix à mon emploi.

Un jour, on m’annonça une nouvelle qui me remplit d’orgueil et de joie. On me donnait trois mois de liberté pour faire, au profit du cabinet, une exploration scientifique dans la forêt de Fontainebleau. Il fallait remplacer certains individus précieux qui s’étaient détériorés aux collections. Je partis ivre de bonheur, et j’allai planter ma tente, pour commencer, à la maison Floche.