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Page:Sand - La Filleule.djvu/134

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l’enfant, se ravisa et dit : « Je vais la prendre et la porter au duc de Florès. Ou il me donnera de l’argent pour l’élever et me taire, ou je la tuerai sous ses yeux. »

— Où est-il, ce duc de Florès ?

— À Paris, monsieur… Mais, en vous voyant là, mon père s’est caché. Puis nous sommes revenus bien doucement dans la nuit. Nous vous avons vu veiller et faire la ronde avec un fusil. Nous avons eu peur, et nous ne sommes revenus là qu’au bout de huit jours, espérant que vous étiez parti. Vous étiez parti, en effet, et l’enfant aussi, et nous n’avons pas pu savoir où elle était.

— L’enfant est morte, lui dis-je, ne la cherche plus.

— Comment, elle est morte aussi, cette pauvre petite ? s’écria le gitanillo en jouant ou en laissant voir une certaine émotion. Eh bien, tant mieux, ajouta-t-il en reprenant ses airs cyniques ; elle ne risque plus rien.

Il y avait, dans son accent, quelque chose de fourbe qui ne m’échappa point. Il était évident que j’allais être observé, exploité ou rançonné, si je ne me tenais sur mes gardes. Je résistai donc au désir que j’avais éprouvé de sauver aussi cet enfant de l’opprobre et de la misère, s’il était possible, et, l’abandonnant à son sort, je lui donnai quelque argent, en lui disant que je quittais Paris le lendemain et que j’allais vivre en province. Je ne m’éloignai pourtant pas sans lui demander son nom et sa demeure, si toutefois il en avait une. Il me dit qu’il s’appelait Rosario, et qu’il n’avait pas de domicile, son père logeant à la nuit, tantôt dans un lieu, tantôt dans un autre. Il ne voulut rien me dire de clair sur l’industrie que cet homme pouvait exercer.