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Page:Sand - La Filleule.djvu/140

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— Non, monsieur.

— Vous l’avez trouvé ?

— Pas davantage.

— Alors, dit-il en souriant encore, on vous l’a donné ?

— Encore moins, répondis-je.

— Ah çà ! vous ne l’avez pourtant pas volé ? Vous n’avez pas du tout la mine d’un voleur. Expliquez-vous donc. D’où vous vient le collier de ma chienne ?

— Je l’ai pris au bras d’une morte.

— Morte !… dit-il avec une légère émotion. Déjà ! Pauvre femme !… Ah çà ! est-ce que vous l’avez connue ? Oui, je le vois… Hombre ! j’espère que son mari ne l’a pas tuée ?

En disant ces mots, le jeune duc parut sérieusement affecté.

— Monsieur le duc, lui dis-je, j’allais vous faire plusieurs questions qui deviennent inutiles. Je vois qu’on ne m’a pas trompé, et je sais ce que je voulais savoir. À présent, vous saurez ce que je sais ; car je vais vous le dire. Son mari ne l’a pas tuée. Il l’avait abandonnée en Espagne. Elle est morte dans la forêt de Fontainebleau, en essayant d’aller le rejoindre. Ce collier, dont elle s’était fait un ornement, je l’ai pris pour le donner à sa fille, si vous voulez bien le permettre.

— À sa fille ? Elle n’avait pas d’enfant ! s’écria le duc. Elle élevait un petit garçon qui était le fils de son mari et non le sien.

— Êtes-vous bien sûr de ce que vous dites là, monsieur le duc ?

— Très-sûr. Cette tribu de gitanos a campé longtemps sur mes terres ; la belle Pilar n’avait que vingt ans lorsqu’elle est morte, puisque vous dites qu’elle est morte. Voyons, racontez-moi donc…

— Avant tout, je dois persister à vous demander à qui je dois remettre ce gage. Est-ce l’héritage dûment acquis à la fille dont Pilar est devenue mère, une heure avant de mourir ?