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Page:Sand - La Filleule.djvu/145

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XV


Je fus joyeux de porter ces bonnes nouvelles à madame de Saule. Sa fille adoptive lui était légitimement acquise, non-seulement par les droits de la charité, mais encore par la volonté de son père. Ce père occupait un rang dans le monde, non-seulement par la naissance et la fortune, avantages que nous n’avions point enviés pour notre enfant, mais par son caractère, qui était des plus honorables. La mère de Morenita n’était point à nos yeux une vile créature. Sa race ne nous répugnait point. La France est le pays où, sous ce rapport, on est le plus équitable et le plus dégagé de préjugés barbares ; où juifs, nègres, bohémiens, sont des hommes différents de nous en fait, mais égaux en droits ; où, enfin, l’on a la justice et la raison de comprendre que l’abaissement ou la corruption des races longtemps opprimées sont l’ouvrage fatal de la persécution, de la honte et du malheur.

Cette belle Pilar était par elle-même, d’après le récit du duc, une nature aimante et spontanée, à la fois capable d’une grande retenue dans ses mœurs et d’une grande affection dans sa vie. Elle intéressait beaucoup Anicée, qui ne se lassait pas d’interroger mes souvenirs de la soirée du 20 août.

Nous étions fort satisfaits surtout de savoir que notre pupille n’appartenait en rien au misérable bohémien qui avait menacé ses jours, ni même au gitanillo, dont, malgré mon adoption, l’avenir était si douteux.