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Page:Sand - La Filleule.djvu/199

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quablement petite, mais taillée, comme les figures des camées antiques, dans des proportions si élégantes, qu’elle paraissait grande quand on la voyait isolée ; blanche aux lumières à force de finesse et de transparence dans la peau, bien qu’elle fût d’un ton olivâtre en réalité ; nonchalante et contemplative, mais tout aussitôt capable d’une attention soutenue et d’une assimilation rapide ; colère et craintive, tendre par accès, glaciale dans la bouderie, inconstante et tenace, selon que sa fantaisie devenait passion ou sa passion fantaisie, elle était un problème pour quiconque s’engouait de ce qu’elle avait d’attrayant, sans vouloir faire la part de la fatalité de l’organisation, ce ver mystérieux qui ronge les plus belles fleurs.

Le duc était saintement et naïvement épris de sa fille. Il chérissait en elle non-seulement le fruit de ses entrailles, mais encore le souvenir de ce type qui l’avait enivré et entraîné jadis, en dépit de son amour pour sa femme et de la religion du serment conjugal, qui n’était point une chimère à ses yeux. Il se sentait dominé d’avance par cette enfant expansive et téméraire.

La duchesse vint à la rue de Courcelles à l’heure indiquée. Elle exprima tout d’abord à madame de Saule le désir d’emmener Morenita et de ne plus s’en séparer. L’étonnement que le refus formel d’Anicée lui causa étonna Anicée à son tour. Celle-ci s’aperçut que la duchesse ne comprenait rien à l’affection maternelle, et regardait l’adoption d’un enfant comme une charge plus méritoire qu’agréable.

Elle se rabattit alors sur la proposition d’emmener Morena chez elle pour quelques jours. Anicée s’y refusa également.

— Cela est impossible, lui dit-elle avec la fermeté qu’elle savait mettre dans la douceur, à moins que Morena ne soit officiellement adoptée par son père. Jusqu’ici, telle n’a pas été l’intention du duc. Or, tant qu’elle ne sera pas mariée, elle ne