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Page:Sand - La Filleule.djvu/22

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maudit point d’observation, j’eusse tenu bon peut-être ; mais dès que j’avais eu le malheur de regarder, je me faisais un reproche de rester sourd, et les plus importuns, les plus désœuvrés, les moins sympathiques étaient précisément ceux que j’avais la patience de supporter, tant j’avais peur de devenir égoïste et insociable depuis que je m’étais assuré un moyen de l’être.

Heureusement pour moi, je n’étais pas assez riche dans le présent pour qu’on pût venir me demander beaucoup de services. Et puis je n’étais pas gai, je n’acceptais aucune partie de plaisir. Le deuil que je portais encore à mon chapeau me permettait d’observer celui que je devais toujours porter dans mon cœur. Mes camarades de collége étaient tout entiers à l’ivresse de la première année de séjour à Paris. J’eus donc plus de calme que ma fatale douceur de tempérament ne devait m’en faire espérer, et je pus suivre les conseils de Roque en m’adonnant à l’étude, sinon avec ardeur, du moins avec assiduité.




II


Il ne s’agissait pas pour moi de savoir si je persisterais, en dépit de mon chagrin, à être studieux et à m’instruire sérieusement. Je ne pouvais pas ne pas aimer l’étude. Soit que j’en eusse le goût inné, soit que la volonté d’obéir à ma mère m’en eût donné l’habitude précoce, je ne savais plus être oisif, et mes longues et fréquentes rêveries étaient plutôt des méditations que des contemplations. De toutes les distractions auxquelles je ne tenais plus, la lecture et la réflexion étaient en-