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Page:Sand - La Filleule.djvu/259

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tage et essaya de la dominer par une remontrance. Mais elle n’accepta aucun blâme, et, se plaignant vivement d’avoir été insultée dans la maison du duc :

— Si c’est ainsi que votre monde m’accueille, lui dit-elle, j’ai bien mal fait de quitter mamita, dont tous les amis la respectaient trop pour ne pas me respecter aussi, et qui ne recevait pas chez elle des gens disposés à lui faire un crime de sa tendresse pour moi.

Le duc, la voyant exaspérée, lui dit qu’elle était souffrante et qu’elle ferait bien de se retirer.

— Si vous me le commandez, répliqua l’indomptable enfant, je subirai l’humiliation de cette pénitence publique ; mais je vous avertis que je quitterai demain votre maison pour n’y plus rentrer.

— Et où donc irez-vous, ma pauvre Morenita ? dit le duc, qui se repentait un peu tard d’avoir cédé au caprice de sa femme en adoptant ouvertement l’enfant terrible. N’avez-vous pas abandonné avec beaucoup de dureté la généreuse femme qui vous tenait lieu de mère ? et ne savez-vous pas, d’ailleurs, qu’elle est maintenant en Italie ?

— Eh ! mon Dieu, répondit Morenita avec un accent et une expression de visage où se peignait l’instinct de la liberté farouche élevé à sa plus haute puissance, est-ce donc si difficile à trouver, l’Italie ? Est-ce que la terre manque de chemins pour nous porter et le ciel d’étoiles pour nous guider ? Voyons, monsieur le duc, est-ce vrai, ce que j’ai entendu dire à la marquise d’Acerda ? Suis-je une bohémienne ?

— A-t-elle dit cela ? dit le duc embarrassé.

— Elle l’a dit, et bien d’autres choses encore.

— Quoi donc ?

— Elle a dit que j’étais votre fille !

— Morenita ! s’écria le duc perdant la tête, nous causerons