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Page:Sand - La Filleule.djvu/321

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— Non, répondait celle de Roque. Il y a là-dessous quelque chose de louche ; enfonçons la porte.

Roque l’eût fait comme il le disait. Morenita se hâta d’ouvrir ; mais son parti était déjà pris. Il lui avait suffi d’un instant pour se reconnaître et se décider.

— Quoi ! c’est vous, mon parrain ? dit-elle, mettant son émotion sur le compte de la surprise ; et M. Roque ? Je suis heureuse de vous revoir. Oserai-je vous demander des nouvelles de ces dames, qui probablement ne me permettent plus de les appeler mes deux mamans ?

— Morenita, dit Stéphen, je suis chargé pour vous de la commission que voici : « Dis-lui que sa mamita est malade, qu’elle la demande, qu’elle a besoin d’elle. » Que répondez-vous ?

— Ô mon Dieu ! elle est donc bien malade ? s’écria Morenita en pâlissant. Partons ! Elle me demande… C’est donc qu’elle va mourir ?

Et l’enfant repentante, oubliant sa situation personnelle, tomba défaillante sur une chaise. Tout son ancien amour pour Anicée lui revenait au cœur, et les sanglots l’étouffèrent subitement.

— Non, non, dit le bon Roque en lui prenant la tête comme il eût fait dix ans auparavant, ta mamita n’est pas malade. C’était une épreuve. Puisque ton cœur vaut mieux que ta cervelle, reviens avec nous, enfant prodigue, et nous tuerons le veau gras pour ton retour.

— Merci, monsieur Roque, dit Morenita en portant à ses lèvres la main de ce paternel ami. Oh ! vous me rendez la vie. Puisque mamita se porte bien et m’aime encore, j’irai lui demander pardon à deux genoux, pourvu que mon compagnon de voyage me le permette, ajouta-t-elle en baissant les yeux, et j’espère qu’il me le permettra.

— Qu’est-ce à dire, et qui est ce compagnon de voyage ? dit Roque en regardant Algénib ; c’est donc lui ? Il prétendait