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Page:Sand - La Filleule.djvu/326

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moins souvent victime des vexations du fait et des injustices de l’opinion. Pourquoi aurais-je été oublié, dans mon coin, par la colère ou la souffrance générale ? À cette triste époque, pas un homme ne fut épargné par l’esprit de parti, qu’il eût remué ou mûri quelque idée dans la politique, dans l’art ou dans la science.

Mais notre sanctuaire domestique resta inattaquable. Comme, en aucun temps, je n’avais eu ambition et souci d’aucune chose vénale, retentissante ou flatteuse dans les prospérités de ce monde, les vicissitudes de la politique et les orages de la société passèrent autour de notre nid sans y faire pénétrer les préoccupations personnelles, les ambitions déçues ou satisfaites, les vengeances avortées ou assouvies, les mauvais désirs ou les poignants remords.

Les événements avaient chassé de France beaucoup d’étrangers de marque, inquiets ou avides du contre-coup que nos agitations produiraient dans leur pays. Le duc de Florès était retourné en Espagne sans exiger que sa femme l’y suivît. Leur union était devenue si malheureuse, qu’ils ne cherchaient plus qu’un prétexte pour en relâcher les liens sans les briser. La duchesse alla vivre en Italie, où les symptômes d’une dévotion exaltée ne tardèrent pas à se manifester chez elle.

Le duc ne nous donna plus signe de vie et parut vouloir ignorer ce que nous déciderions pour l’avenir de Morenita. L’abandon fut l’inévitable dénoûment d’une tendresse paternelle si peu sage et si peu courageuse.

Les six premiers mois de la république furent pour tous les arts un temps d’arrêt ; un temps d’effroi, de gêne ou de misère pour la plupart des artistes. Algénib consentit à ne s’occuper de son avenir qu’en travaillant pour se l’assurer plus sérieux et plus honorable. Il reprit ses études avec Schwartz, avouant enfin que cet admirable professeur lui donnait beaucoup sans lui rien ôter. Morenita lui inspira du cou-