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Page:Sand - La Mare au Diable.djvu/75

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— Vous pleurez, pourtant, Germain ! Vous pleurez aussi ! Quelle honte y a-t-il pour un homme à pleurer sa femme ? Ne vous gênez pas, allez ! je suis bien de moitié avec vous dans cette peine-là !

— Tu as bon cœur, Marie, et ça me fait du bien de pleurer avec toi. Mais approche donc tes pieds du feu ; tu as tes jupes toutes mouillées aussi, pauvre petite fille ! Tiens, je vais prendre ta place auprès du petit, chauffe-toi mieux que ça.

— J’ai assez chaud, dit Marie ; et si vous voulez vous asseoir, prenez un coin du manteau ; moi je suis très bien.

— Le fait est qu’on n’est pas mal ici, dit Germain en s’asseyant tout auprès d’elle. Il n’y a que la faim qui me tourmente un peu. Il est bien neuf heures du soir, et j’ai eu tant de peine à marcher dans ces mauvais chemins que je me sens tout affaibli. Est-ce que tu n’as pas faim aussi, toi, Marie ?

— Moi ? pas du tout. Je ne suis pas habituée, comme vous, à faire quatre repas, et j’ai été tant de fois me coucher sans souper qu’une fois de plus ne m’étonne guère.

— Eh bien, c’est commode une femme comme toi ; ça ne fait pas de dépense, dit Germain en souriant.

— Je ne suis pas une femme, dit naïvement Marie, sans s’apercevoir de la tournure que prenaient les idées du laboureur. Est-ce que vous rêvez ?