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Page:Sand - La Ville noire.djvu/19

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la ville noire.

commencé en petit, à leurs risques et périls, luttant contre la nature et contre le crédit et les chances du commerce, empêchements plus obstinés et plus menaçants que la nature elle-même. Et à présent, dans cette noire crevasse de rocher, dans cet escalier de chutes d’eau qu’on appelle la ville basse, nous voilà plus de huit mille paires de bras trouvant leur emploi, huit mille hommes chaque jour assurés du lendemain et pouvant ainsi, par le travail, aller du jeune âge à la mort sans trop de misère et de soucis, tandis que là-haut, au lieu d’une bicoque misérable, une ville riche s’est élevée, une ville bariolée de couleurs tendres et riantes que les voyageurs comparent à une ville d’Italie, une ville quasi neuve avec des fontaines, des édifices, des routes ! C’est quelque chose, mon camarade, que d’être dans un endroit où les hommes ne sont ni endormis ni inconstants, et il n’y a guère d’habitants de la ville haute qui ne regardent avec orgueil les fumées et les tonnerres de la ville basse monter dans les airs, comme un cantique et un encens, en l’honneur de celui qui les a fait grandir et prospérer.